jeudi 10 février 2011

Je continuerais de jouer à la balle


-      Et toi, si ça devait être dans cinq minutes, que ferais-tu, Louis, avant de mourir ? 
Des enfants jouent à la pelote, sur un fronton, au Pays-Basque, par une belle matinée de printemps.
-      Si je devais mourir dans les cinq minutes ? Eh bé, je jetterais ma montre et je continuerais de jouer à la balle…Allez, Yo, engage !
Et la vie reprend son cours, dans l’urgence de jouer et se divertir.

Cette petite histoire, mon père me l’a racontée comme étant arrivée à Saint Louis de Gonzague et je me suis toujours imaginé qu’elle prenait place sur le fronton de la petite école de quartier qu’il fréquentait à Biarritz, et dans laquelle je l’ai suivi, des années plus tard.

J’ai très peu joué à la pelote basque parce que taper à main nue sur une boule de cuir est extrêmement douloureux. Aussi m’est-il impossible de reprendre les propos sages de Saint Louis de Gonzagues.

Mais s’il fallait se préparer à partir – l’exercice est difficile tant on se croit immortel – si on m’indiquait un top départ du décompte, je serais bien tentée de continuer exactement ce que j’ai entrepris sans en changer un iota.

Je continuerai de vieillir et de passer imperceptiblement d’un personnage à l’autre, enfant rêveuse, ado hyperactive, jeune pleine d’ambition, maman amoureuse de mes enfants, adulte dans le doute et avant de partir, je les convoquerais tous pour écrire les dialogues de leur rencontre.

Je continuerais de triturer et torturer les journaux, un ciseaux à la main, pour découper toutes sortes d’articles, des critiques de films, des recettes, des portraits de gens admirables, et je les laisserai toujours traîner partout dans tous les livres, les tiroirs pour les retrouver ensuite et rire et me demander pourquoi à cet instant T, j’ai eu l’idée bizarroïde de découper cet article.

Je continuerais d’acheter maladivement plusieurs exemplaires des livres qui m’ont plu de peur de les avoir perdus. C’est ainsi qu’en rangeant ma bibliothèque, j’ai retrouvé trois ou quatre exemplaires de Cent ans de solitude.

Je continuerais mes lectures concentriques, un livre en appelant un autre, des lectures interpénétrées, les livres se mélangeant et ne se finissant jamais.

Je continuerais l’effort entamé il y a 46 ans pour me pardonner à défaut de bien m’aimer.

 A la fin, le fardeau d’être soi ne pèsera plus rien.

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